EXPOSITION Intimes Lointains du 12/11 au 24/12/2022 – Galerie Christine Colon Liège
Intimes Lointains
Bien souvent, il est dit de nos yeux qu’ils sont semblables à des fenêtres ; qu’au travers de ces transparences irisées, nous pourrions cerner l’essence même du soi. La recherche de nos flux intérieurs, des remous de notre affect, revêt un caractère fascinant, tant nous ne saurions exprimer avec assez de justesse ces pans complexes de notre personne. Nous nous heurtons trop souvent au manque, lorsqu’il s’agit de percer l’insondable surface d’un visage. Si les voiles de l’apparence cachent aux yeux du Monde les secrets de notre extrême individualité, qu’en est-il de cette irréductible part de nous ; celle qui ne se modèle pas, mais existe selon ses propres lois. Lors de fugaces secondes, nous pouvons entrapercevoir la vérité d’un être qui se rêve, d’un regard qui s’échappe, d’un horizon connu uniquement du songe.
Dans cette exposition, intimes lointains, Catherine Seher et Reinhard Voss, conçoivent et rendent présente cette délicate vérité de l’âme. Dans les toiles de Seher, les personnages se meuvent et posent dans des univers incertains, où le temps se suspend et fusionne dans la fulgurance d’un tracé. Durant cette stabilité éphémère, l’essence de l’être est aspirée par le souvenir, alors que la toile se pâme des couleurs du « j’ai été ». Loin des regards curieux, une ultime pensée vaque parmi ces foules solitaires, et sitôt devient-elle nette, que nous ne sommes laissés à la contemplation de la distance nous séparant de ces silhouettes anonymes.
Voss, quant à lui, superpose la chromatique et géométrique psyché de l’individu à des visages sans traits, véritables bustes de conscience. Il dissipe la spécificité physique de l’humain pour en proposer une nouvelle : une abstraction de couleurs et de sensations, davantage révélatrice que le plus fidèle des portraits. Le visage n’est plus qu’un support qui permet l’évasion du sculpteur vers le monde de l’intériorité.
Pour ces deux artistes, l’opacité d’un visage est le décor de fractures permettant le jaillissement du subjectif, où les paysages intimes des méandres se rendent accessibles le temps d’un regard. Pierre Hubeaux-colon
Reinhard Voss est né en 1959 en Allemagne du Nord. Il a étudié la sculpture à l’Académie des beaux-Arts de Karlsruhe, dans les classes du professeur Hiromi Akiyama et du professeur Stephan Balkenhol.
Reinhard VOSS
Le visage est poésie…
Son travail se focalise essentiellement sur le visage et ses milles nuances. Chaque sculpture est ici un savant agglomérat de fragments de bois de conifère, combiné avec des ajouts d’encre de chine ou d’acrylique. Chaque visage est à chaque fois différent, expression d’une volonté d’universalité du propos, tantôt personnalisé par des tatouages ou des signes, tantôt par des stigmates, des tissus, des couleurs.
Les matériaux, les structures, Reinhard Voss combine autant qu’il le peut les éléments : minces, épais, doux, durs, sombres, brillants, droits, transversaux ou diagonaux, lisses ou cassants.
Le visage s’offre à nous tel un paysage de combinaisons abstraites et colorées, souvent géométriques, toujours mis en relief par une matière spécifique, un aspect particulier. Comme au fond chacun des visages que l’on rencontre dans la vie de tous les jours. Et comme si chaque visage était le reflet d’un monde intérieur, comme si de chaque visage émanait une vérité propre qu’il appartient alors au spectateur de déchiffrer. Un travail fascinant, plein d’énigmes et de silences.
Reinhard Voss fuit la redite et si l’on sent dans son travail une unité évidente, elle n’interdit évidemment pas la finesse et la subtilité. C’est dans le détail que l’artiste cherche la vérité.
Le processus essentiel se déroule à la surface et sur les bords. C’est là qu’il vient insuffler sa fantaisie, son imaginaire. Des couleurs, parfois vives, parfois estompées. Des textures, tantôt zébrées, tantôt lisses. Des formes géométriques, quelque peu bizarres, insolites, troublantes. Se dessinent ainsi ce qui peut ressembler à certains moments à un portrait, ou à d’autres instants à un masque.
Quand le morceau de bois devient un visage, on le regarde. Quand quelqu’un est attentif, il se révèle. Quelle chance si tout le monde regarde !, écrit-il joliment. Et il est bien vrai que sa sculpture, stylisant la figure humaine, nous force à d’avantage d’attention. MIROIR DE L’ART N°97